Episciences IAM: un projet éditorial entre rupture et continuité
Gaëlle Rivérieux  1, *@  , Alain Monteil  1@  , Laurent Romary  2, 1@  , Jacques Millet  1@  , Hélène Lowinger  1@  
1 : Inria  -  Site web
INRIA
2 : Humboldt Universität  (HU Berlin)  -  Site web
* : Auteur correspondant

C'est en partant de deux premières expérimentations d'édition de revues scientifiques, que le projet Episciences IAM (Informatics and Applied Mathematics) s'engage dans la voie des epi-journaux. Un epi-journal (overlay-journal) consiste à créer un journal électronique en libre accès en s'appuyant sur une archive-ouverte. L'écologie d'un tel projet, rompant avec l'édition commerciale traditionnelle, repose sur la prise en main des meilleures revues du domaine par les communautés scientifiques, organisées en epi-comités thématiques, regroupant les experts internationaux les plus renommés.

 Ce projet s'adresse autant à des revues existantes, souhaitant s'affranchir d'un environnement éditorial commercial, qu'à des revues émergentes. Deux premières revues sont en voie d'être publiées sous cette forme, il s'agit de Journal of Data Mining and Digital Humanities (JDMDH), revue nativement créée dans Episciences, et de Discrete Mathematics and Theoritical Computer Science (DMTCS) qui existe déjà depuis plusieurs années.

 Soutenant une politique tournée vers le « Green Open Access », ce projet ambitionne d'offrir une alternative crédible et durable à la « serial crisis » qui paralyse les bibliothèques académiques et de recherche depuis plus d'une dizaine d'années. En effet, les revues scientifiques, dont l'objet initial était de fixer les résultats de recherche et de les diffuser, ont vu leur fonction, peu à peu, s'étendre à d'autres desseins.

Au fil du temps, non seulement les revues scientifiques sont devenues l'objet d'un marché lucratif dont les bibliothèques sont aujourd'hui captives, les voilà aussi objet d'évaluation de la recherche via les indicateurs bibliométriques.

 Le principe d'Episciences IAM est de répondre au besoin d'offrir un moyen de communication rapide des résultats scientifiques, validés et labellisés par des revues du meilleur niveau dans le domaine de l'informatique et des mathématiques appliquées. Les délais relativement longs de publication dans les revues de ce domaine, font que la plupart des chercheurs se tournent vers la publication dans les actes de conférence. Or, les actes de conférences sont peu indexés par les bases de données (ISI, Scopus...) ce qui impacte négativement la visibilité de ces travaux dans les indicateurs bibliométriques et donc, l'évaluation de la recherche dans le domaine de l'informatique.

 

Par ailleurs, le projet Episciences IAM souhaite contribuer à libérer les revues des contraintes commerciales généralement imposées par les éditeurs dès qu'il s'agit d'offrir un accès définitif, libre et immédiat aux résultats scientifiques, sans embargo ni contrepartie financière. Un accès libre, maîtrisé par un coût raisonnable, contribuerait à rendre plus équitable, l'accès aux résultats de recherche.

 

Concrètement, il s'agit de proposer via une plateforme technique, la soumission de contributions scientifiques, déjà librement accessibles sur une archive ouverte comme HAL ArXiv ou CWI, à un processus d'évaluation et de validation scientifique. Le pré-requis pour tout auteur souhaitant soumettre un pre-print à un epi-journal est de le déposer au préalable dans une archive ouverte compatible. Le pre-print est alors soumis à un comité éditorial qui le propose à des relecteurs. Le processus éditorial se décline alors selon les principes traditionnels tels que : évaluation et révision par les pairs, puis acceptation par un comité éditorial à la manière d'une soumission d'un article scientifique dans une revue classique. Ce processus permet de rendre les résultats scientifiques disponibles plus rapidement tout en maintenant une caution scientifique via une validation.

 

Les epi-journaux visent également l'objectif d'accélérer la diffusion des résultats de recherche. Les pre-prints, disponibles sur l'archive-ouverte d'origine, peuvent être déjà lus par les chercheurs et bénéficier ainsi d'un premier feedback constructif. Des commentaires, qui peuvent être envoyés par messagerie, pourront servir à améliorer la qualité du pre-print. Ces échanges initiaux, produits par le « Collège Invisible[1] » de chercheurs, pourraient augmenter les chances d'un pre-print d'être accepté par une revue scientifique. Dialogues, échanges et critiques sont possibles en amont de la publication officielle tout en permettant d'accélérer le délai du processus éditorial. Une intégration de type « réseau social » au dessus des archives-ouvertes, serait un plus pour recueillir les commentaires des lecteurs.

 

Parmi les besoins exprimés par la communauté en informatique et mathématiques appliquées se pose la question de la reproductibilité des programmes décrits dans les articles de revue. Lorsqu'est abordé le sujet de la dissémination des savoirs, les questions de contrôle, la notion de preuve autour des données associées et le besoin de validation de résultats de recherche se posent notamment au moment de la validation des articles.

 

En règle générale, les données de production scientifique ne sont pas présentées dans la publication elle-même et se trouvent captives d'un environnement de développement logiciel totalement séparé des articles. Ce faisant, il est communément admis qu'il est extrêmement difficile d'implémenter un algorithme uniquement par l'intermédiaire de la littérature scientifique et ce, par défaut d'informations disponibles sur les procédures à suivre.

 

Cela pose deux types de problématiques telles que des difficultés de réutilisation des données de recherche et de vérification des résultats de recherche. Image Processing On Line[2] (IPOL) est une revue scientifique en libre accès en traitement de l'image. IPOL propose un nouveau concept de validation, de diffusion et de partage sous la forme d'une revue augmentée. Les articles sont présentés en ligne avec leurs algorithmes et leur implémentation validée via une interface web qui offre la possibilité de tester les jeux de données associées.

 

Conçu à terme comme une infrastructure de recherche inter-établissements, le projet Episciences IAM s'appuie sur la plateforme Episciences, développée et hébergée par le CCSD qui offre un environnement de soumission et d'examen par les pairs.


[1] Nicolas Holzschuch, Open Archives and the Invisible College: driving forces towards a new publication model, Dagstuhl Perspectives Workshop: Publication Culture in Computing Research (2012) http://hal.inria.fr/hal-00749806

[2] http://www.ipol.im/



  • Image
  • Poster
e
Personnes connectées : 1 Flux RSS